8. Et toi, Israël mon serviteur, Jacob que J’ai
choisi,
descendance d’Abraham, mon
ami,
9.
toi
que J’ai tenu aux
extrémités de la terre,
que J’ai appelé
des contrées lointaines,
Je
t’ai dit : « Tu es mon serviteur,
Je t’ai choisi, Je ne t’ai pas
rejeté.
10. Ne crains pas, car Je suis avec toi,
pas de regards inquiets, car Je suis ton Dieu ;
Je
te fortifie et viens à ton secours, Je te soutiens de ma
droite victorieuse.
11. Voici qu’ils seront honteux et humiliés, tous ceux
qui s’enflammaient contre toi.
Ils
seront réduits à rien et périront, ceux qui te cherchaient querelle.
12. Tu les chercheras et tu ne les trouveras pas, ceux
qui te combattaient ;
ils seront réduits à rien, anéantis, ceux qui te faisaient la
guerre.
13. Car Moi, le Seigneur ton Dieu, Je te tiens
la main droite,
Je
te dis : « Ne crains pas,
c’est Moi qui te viens en aide.
14. Ne crains pas, vermisseau de Jacob, larve d’Israël.
C’est
Moi qui te viens en aide, oracle du Seigneur,
ton rédempteur, c’est le Saint d’Israël.
15. Voici que J’ai fait de toi un traîneau à battre,
tout neuf, à doubles dents.
Tu
écraseras les montagnes, tu les pulvériseras,
les collines, tu en feras de la paille.
16. Tu les vanneras, le vent les emportera, et
l’ouragan les dispersera.
Pour toi, tu exulteras à cause du
Seigneur,
tu te glorifieras dans le
Saint d’Israël.
17. Les
miséreux et les pauvres
cherchent de l’eau, et rien !
Leur
langue est desséchée par la soif.
Moi,
le Seigneur, Je les exaucerai,
Moi,
le Dieu d’Israël, Je ne les abandonnerai pas.
18. Sur les monts chauves, Je ferai jaillir des
fleuves,
et des sources au milieu des vallées.
Je
ferai du désert un marécage, et de la terre aride des eaux jaillissantes.
19. Je mettrai dans le désert le cèdre,
l’acacia, le myrte et l’olivier ;
Je
placerai dans la steppe, tous ensemble, le cyprès,
le platane et le buis,
afin que l’on voie et que l’on sache, que l’on fasse
attention et que l’on comprenne
que la Main du Seigneur a fait cela, que le Saint d’Israël l’a créé.
On est toujours dans le Livre de la consolation d’Isaïe. Le peuple est
encore captif à Babylone. Au Ch. 41, voici que se lève Cyrus, le roi des
Perses, qui va de victoire en victoire. Il sera l’instrument du Seigneur pour
la libération d’Israël.
·
Remarquer
la quantité de verbes qui ont pour sujet Dieu (Je ou Moi), et qui
expriment une action du Seigneur,
c’est impressionnant :
8. J’ai choisi,
9. J’ai tenu, J’ai appelé, Je t’ai dit, Je t’ai choisi, Je ne t’ai pas
rejeté,
10. Je suis avec toi, Je suis ton Dieu, Je te fortifie et Je viens à ton
secours, Je te soutiens, 13. Moi, le Seigneur ton Dieu, Je te tiens la main
droite, Je te dis, c’est Moi qui te viens en aide,
14. c’est Moi qui te viens en aide
15. J’ai fait de toi
17. Moi, le Seigneur, Je les exaucerai, Je ne les abandonnerai pas
18. Je ferai jaillir des fleuves… je
ferai du désert un marécage
19. Je mettrai dans le désert des cèdres… Je placerai dans la steppe…
·
En
parallèle, tout aussi important, le
bénéficiaire de toutes ces actions :
Israël, Toi,
tu… Et ce Toi, c’est Moi, c’est à moi personnellement que
cette parole du Seigneur s’adresse.
·
A
partir du v. 17, une rupture :
ne s’adresse plus à Tu (Israël), mais aux miséreux et aux pauvres. La Bible
d’Osty en fait d’ailleurs une autre section.
·
C’est
un oracle prophétique qui annonce une intervention libératrice de Dieu, un Nouvel Exode. On retrouve donc en
arrière fond le thème du Nouvel Exode.
8. Israël mon Serviteur :
·
Voici
qu’apparaît pour la première fois le thème du serviteur, qui reviendra
plusieurs fois dans le Livre de la consolation d’Isaïe. Au ch. 42 se trouve le
1er chant du Serviteur. Ce thème est lié à celui de l’élection, du peuple choisi par Dieu
pour être témoin devant les autres nations.
·
La
notion d’élection, de choix préférentiel, est ici soulignée par plusieurs
verbes :
Jacob que j'ai
choisi, je t’ai tenu (pris), j’ai appelé, je t’ai choisi
·
Israël-Jacob, de la race d’Abraham, a été choisi entre tous
les peuples pour être le témoin de Dieu. Le serviteur désigne ici non pas une
personne mais le peuple d’Israël dans son ensemble, chacun des membres de ce
peuple. « Plus qu’une relation de
maître à esclave, cette notion de "serviteur" implique une relation
de confiance et d’amour » (Bible
de Jérusalem, p. 1132 note i). Depuis que le peuple a été libéré de la
servitude en Égypte, il est entré dans la dépendance du Seigneur, mais aussi
dans son intimité, dans une relation d’amitié ; et ici, les deux termes, serviteur et ami, sont réunis dans la
même phrase.
9. Toi que j’ai tenu (pris) aux extrémités
de la terre :
·
Importance
du verbe tenir :
v. 9 :
je te soutiens de ma
droite victorieuse
v. 13 : je te tiens la main droite
C’est comme si
c’était la main droite de Dieu qui tenait la main droite de sa créature. Cela
signifie pour nous qu’il faut avancer main dans la main avec Dieu, ne pas
lâcher cette main.
·
Il y
a aussi dans ce verset l’idée d’aller
chercher très loin, au bout de la
terre, comme un père qui part à la recherche de son fils perdu au bout du
monde, comme le berger qui part très loin à la recherche de sa brebis perdue.
·
// Ps 138, 5-12
10. Ne crains pas : fais confiance en moi
·
Répété
trois fois dans notre texte ; cela exprime une grande insistance.
·
On
dit qu’il y a dans la bible 365 fois cette interpellation, une pour chaque
jour !
·
Mais
le verbe craindre est un terme ambigu : il faudrait distinguer la crainte de la peur :
Devant la transcendance de Dieu, devant des manifestations grandioses de sa
puissance, l’être humain est saisi par le sentiment d’une présence qui le
dépasse incommensurablement, et peut éprouver un
impression de fragilité, de petitesse.
Ce sentiment peut être ambigu. Il peut mêler la peur à une juste
crainte.
-
Selon
la Parole de Dieu, la sagesse commence avec la crainte du Seigneur ; la
crainte du Seigneur est la somme de toute la sagesse, est une source de vie (Ps
110, 10 ; Pr 1, 7 ; 9,
10 ; Sir 1, 11-40.16). Ce que l’on peut appeler la crainte révérencielle est une attitude religieuse fondamentale
en face de Dieu : c’est une attitude qui allie à la fois la reconnaissance
de la transcendance de Dieu, le respect, l’adoration, mais aussi la confiance
et l’amour. Donc, crainte et amour se recoupent, bien qu’ils ne s’équivalent pas.
// Is 11, 2 : le
Messie, rameau sortant de la souche de Jessé : sur lui reposera l’Esprit
de crainte du Seigneur.
-
Autre
chose est la peur, soit face à la présence de Dieu, soit face à des cataclysmes.
Dieu. La peur est un sentiment moins pur qui met une distance entre Dieu et
l’homme. Il est certes légitime d’éprouver un sentiment de peur face à des
catastrophes naturelles, mais cela ne doit pas entamer la confiance en Dieu.
·
Il
est vrai que dans ce texte, ce n’est pas de la crainte de Dieu dont il est
parlé, mais de la crainte de l’ennemi, crainte des événements. Mais c’est quand
même la confiance en Dieu qui est en cause. Il faut donc entendre cette parole
d’Isaïe dans ce sens : N’aie pas peur,
ne perd pas confiance en moi, ne perd pas l’espoir.
Je suis avec toi :
·
Rappelons-nous
le nom de l’enfant que Dieu promettait comme signe au Roi Achaz (Is 7,
14) : Emmanuel, qui
signifie en Hébreu Dieu avec nous.
Ce titre est
original et ne se retrouve dans aucune autre religion : dans les 99 noms
que les musulmans donnent à Dieu, aucun ne va dans ce sens ; bien au
contraire, ces noms soulignent la transcendance de Dieu, la distance entre Dieu
et l’homme.
N’oublions pas que
dans le judéo-christianisme, l’homme a été créé à l’image de Dieu, il est en
quelque sorte une miniaturisation de Dieu.
·
Au plan humain, il y a 3 manières d’être
avec quelqu’un :
-
une
manière distante :
cf. certaines correspondances officielles lors des décès : « En cette épreuve que vous traversez,
croyez bien cher Monsieur que nous sommes avec vous… »
-
une
manière plus proche, une
proximité de cœur, mais qui par la force des choses reste éloignée : par
exemple l’éloignement géographique de deux amis.
-
l’intimité
de deux époux de longue date : il y a là une proximité certaine, la plus grande que l’on puisse
vivre sur cette terre. Si cette manière d’être avec quelqu’un peut nous
éclairer sur la manière avec laquelle Dieu est avec nous, elle peut aussi nous
piéger. Dieu est avec nous d’une manière infiniment plus proche que tout ce
que l’on peut expérimenter ou imaginer. A cause de la différence
existentielle entre les humains, on ne peut aller au-delà de la proximité la
plus forte. Je ne serai jamais dans la peau de l’autre, je penserai jamais
comme l’autre ; il restera toujours en l’autre une part de mystère qui
m’échappe.
·
Dieu est avec nous de trois manières [1]:
-
Par
sa connaissance universelle et par sa Providence : Il connaît tous les événements de notre
vie, tous les secrets de notre cœur, toutes nos pensées, notre avenir. Il
prévoit (provideo)
les événements, et les utilise (ne les provoque pas forcément !) pour
notre bien et notre bonheur. C’est une manière d’être avec nous qui reste
néanmoins extérieure, du moins de notre point de vue.
-
Par
des intermédiaires :
anges, patriarches, prêtres, prophètes. C’est déjà une présence plus
proche : on l’entend parler par la bouche des prophètes, il nous manifeste
ses desseins, son amour. Mais il y a là encore une distance dans cette manière
d’être avec nous : elle se fait par intermédiaires.
-
En
venant lui-même au milieu de nous, en se faisant l’un de nous, en prenant notre chair : et c’est Noël,
c’est l’incarnation du Verbe de Dieu. Si les prophètes ont à plusieurs reprises
des relations entre Dieu et son peuple comme des relations Epoux – épouse, les mystiques parlent de l’incarnation comme des
épousailles effectives entre Dieu et notre humanité : Dieu épouse notre humanité.
Le christianisme est la seule religion où
un Dieu se fait homme. En
Jésus, Dieu est vraiment avec nous. Dieu est avec nous en ce sens qu’il a pris
notre chair, sans cesser d’être Dieu. Il a été porté par une femme pendant 9
mois comme nous, il a été langé, allaité, il a mangé, bu au milieu de nous, il
a aimé, souffert comme nous.
Cf. Livret de l’Emmanuel, Is ch. 6-12. Is
9, 5 : « Un enfant nous est né, un fils nous
a été donné »
14. Ton Rédempteur / Dieu qui vient au
secours
V. 10 : Je viens à ton secours.
v. 13 : C’est Moi qui te viens en aide. v. 14 : idem
v. 17 : Je les exaucerai, je ne les abandonnerai pas.
·
Le
fait que Dieu sauve est répété 22
fois dans le 2ème Isaïe (cf. TOB 739)
Pour sauver, il rachète, réconforte, console,
rassemble, délivre, affranchit. Il est le Berger qui conduit son troupeau, le
Roi juste ; il a la sollicitude d’une mère pour ses enfants (49, 15), d’un
époux pour son épouse (Is 54).
·
Ton Rédempteur (celui qui te rachète)
La notion de rédemption (que l’on traduit parfois par rachat), revient 17
fois dans le Livre de la consolation. C’est donc un thème extrêmement
important, mais qui prête à beaucoup de confusions.
En hébreu, le go’el
est un proche parent qui intervient dans des situations désespérées en faveur
d’un membre de sa famille (et qui en a en quelque sorte le devoir). Vis-à-vis
de celui qui est mort sans enfant, le go’el lui donne
une postérité en épousant sa veuve (cf. Rt
3,12-4,14). Vis-à-vis d’un parent emprisonné pour dettes ou tombé dans
l’esclavage, le go’el peut payer ses dettes ou le
racheter.
Affirmer que le Seigneur est le Rédempteur (go’el)
d’Israël,
« - c’est dire que le Seigneur se considère comme un proche parent
d’Israël (…)
-
c’est
affirmer qu’il se considère de ce fait comme tenu par un devoir sacré
d’intervenir (en sa faveur) ;
-
c’est
donc être sûr que la toute puissance du Seigneur va être mobilisée pour sauver
le peuple écrasé, privé de sa liberté… » (CE 20, p. 47)
La traduction française racheter
(et pire encore les théories de la satisfaction
ou de la substitution) déforme
complètement la notion juive du goël. Ce qui
est central dans celle-ci, c’est le lien de parenté entre Dieu et son peuple,
et il n’y a pas d’idée de transaction commerciale qu’introduit le verbe racheter. D’autant plus que quand il s’agit du
Seigneur, il est clair qu’il ne doit rien à personne.
Le Saint d’Israël
·
C’est
une expression qui apparaît tout au long du livre d’Isaïe, alors qu’elle est
pratiquement absente du reste de la Bible. Elle exprime à la fois l’absolue
transcendance et la proximité de Dieu :
« - Il est le Saint, celui
qui est au-dessus de tout, totalement " autre" que l’homme, celui
qu’Isaïe a contemplé dans le Temple au jour de sa vocation (Is 6, 1-5) ;
- mais ce même Dieu a choisi de faire alliance avec un peuple, et de se
lier pour toujours avec lui » (Cahier
d’Evangile 20 p. 47). Il est ainsi devenu le Saint d’Israël.
·
Le Seigneur est donc à la fois le tout
autre et le tout proche.
L’infiniment grand se fait tout proche de
l’infiniment petit (vermisseau de Jacob, larve d’Israël)
Les v. 11-12 annoncent l’anéantissement de
tous les ennemis
- Quels sont au juste ces ennemis dans ma vie ? Bien les
identifier : Ils sont parfois en
moi.
- Nous entrons parfois dans des mécanismes de projection : nous
nous créons nos propres ennemis en leur faisant porter le poids de nos ombres,
de ce que nous n’aimons pas en nous.
Les v. 15-16 décrivent de façon imagée cet
anéantissement
·
Is 43 demande d’aplanir la route pour le Seigneur, de
combler les vallées et d’abaisser les montagnes. Ici, le Seigneur fait d’Israël
un traîneau à battre, avec lequel il écrasera et pulvérisera les montages et
les collines.
// Mt 17, 20 : « Je
vous le dis, en vérité, si vous aviez la foi comme un grain de sénevé, vous
diriez à cette montagne : Déplace-toi d’ici, et va te planter là, et elle
se déplacerait ; et rien ne vous serait impossible. »
·
La fin du v. 16 exprime la jubilation et
la joie résultant de cette libération
Le but de notre vie est la louange du Seigneur, le bonheur,
l’allégresse. L’homme debout, vivant, libéré, c’est un homme dans la joie, dans
la louange, qui exulte.
// 43, 21 Après la description des prodiges du Nouvel
Exode, il est dit : « Alors, le
peuple que je me suis formé publiera mes louanges. »
17. Les miséreux et les pauvres :
·
Les pauvres (les anawîm) tiennent une place très importante dans la Bible. Le
Seigneur y est souvent présenté comme le défenseur des pauvres. Le Seigneur
entend monter le cri des pauvres.
·
On
peut parler à juste titre d’une option
préférentielle de Dieu pour les pauvres dans la Bible, les miséreux, les
opprimés, les affligés.
·
Aussi
d’une option préférentielle de Jésus
pour les pauvres, les pécheurs, les malades, les estropiés… Il a dit lui-même
qu’il n’est pas venu pour les bien-portants, mais les malades, les pécheurs. En
Lc 4, 18 Jésus commence son
ministère en s’appropriant un passage connu d’Isaïe (Is 61): « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce
qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres… ».
En Mt
5, 3, dans son tout premier discours, il commence par « Heureux les pauvres. »
·
Les
pauvres sont donc les privilégiés de Dieu. (Il en résulte qu’opprimer les
pauvres, c’est provoquer l’intervention de Dieu.)
V. 17-20 : Nouvel Exode // Is 35
·
Ces
versets annoncent un renouvellement de
la création .
De même que, lors du premier Exode, Moïse a fait jaillir l’eau du rocher, lors
du Nouvel exode, Dieu fera jaillir des fleuves des montagnes, et les
déserts deviendront ainsi une terre
fertile.
·
Celui
qui est le Dieu créateur est aussi
le Dieu recréateur, il peut rétablir
l’harmonie originelle de la création. Celui qui a eu le pouvoir de créer a
aussi le pouvoir de recréer (v. 19 « …afin
que l’on voie et que l’on sache, que l’on fasse attention et que l’on comprenne
que la main du Seigneur a fait cela, que le Saint d’Israël l’a créé ». Renouvellement au
niveau de la nature, dans ce texte, mais aussi au niveau de l’être humain chez le
prophète Ezéchiel (cf. Ez 36).
·
En
lien avec l’annonce d’un Nouvel Exode, il y a souvent le thème d’un
renouvellement de la création : Cf. Is
43, 18-20
// Is 35, 7 ; 51, 3 «Il va faire de son désert un Eden. » Exprime un retour à
l’harmonie originelle.
·
Par
rapport au renouvellement de la création, au rétablissement de l’harmonie
originelle dans cette création, il est intéressant de relever quel est le sens des miracles dans le NT :
On les considère souvent comme une transgression des lois de la nature. Or, au
plan biblique, ce serait plutôt l’inverse qui est juste : les miracles de
Jésus visent à restaurer la création abîmée, à restaurer l’être humain abîmé, à
rétablir l’harmonie originelle : guérisons, handicaps, résurrection…
Les
textes de la Genèse traitant de la création de l'homme et de la femme ont en
fait été écrits assez tardivement, à une époque où l'on se posait la question
de l'origine du mal dans le monde. C'est à peu près à cette même époque qu'a
commencé à se développer l'eschatologie
(eschata:
ce qui vient en dernier, au bout, à la fin). Si Dieu est le créateur du monde
et de l'homme, lui seul peut et même doit restaurer, recréer ce monde abîmé par
le péché; l'eschatologie est en fait la conséquence nécessaire du Dieu
créateur. S'il n'y a qu'un Dieu unique et tout-puissant, un Dieu d'amour et de
justice, il ne peut perdre définitivement la partie engagée, il ne peut
accepter que sa création soit définitivement abîmée. L'eschatologie, c'est
le dernier mot de Dieu face au mal et à la décréation; c'est une
intervention de Dieu qui change l'état actuel des choses pour faire place à une
situation radicalement nouvelle et définitive entre Dieu et sa création.
On peut repérer deux lignes dans cette attente eschatologique :
- attente d'un salut, attente d'un sauveur, d'un messie, d'un roi
- attente d'un monde nouveau, de
cieux nouveaux et d'une terre nouvelle, attente d'une recréation de l'homme et
du monde.
Les miséreux et les pauvres cherchent de
l’eau, leur langue est desséchée par la soif
·
Dans
un pays où l’eau est rare, où les déserts occupent une place importante, où la
pluie apparaît comme une bénédiction, le renouvellement de la création est
souvent présenté par l’image de l’abondance de l’eau, du désert qui refleurit.
(// Is 35, 7 ; 43, 19-20 ; 51,
3)
·
Les
jours du retour, du Nouvel Exode sont présentés comme les jours où la soif
n’existera plus : Is 49, 10 « Ils
n’auront plus jamais faim ni soif » ; 55, 1 « Vous tous qui avez soif, venez vers l’eau, même si
vous n’avez pas d’argent, venez ! »
·
Jésus, dans le dialogue avec la femme
Samaritaine, se présente
lui-même comme la Source d’eau vive, mais en un sens spirituel :
Jn 4, 10 « Si
tu savais le don de Dieu, et qui est celui qui te dis : Donne-moi à boire,
c’est toi qui l’aurais prié, et il t’aurait donné de l’eau vive ».
4, 13-14 « Quiconque
boit de cette eau aura soif à nouveau ; mais qui boira de l’eau que je lui
donnerai n’aura plus jamais soif. L’eau que je lui donnerai deviendra en lui
source d’eau jaillissant en vie éternelle »
Dans un autre passage (Jn 7, 37-38),
lors de la fête des tentes, Jésus
disait : « Si quelqu’un a soif,
qu’il vienne à moi, et qu’il boive celui qui croit en moi, selon ce qui est dit
dans l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. »
Jésus est la Source d’eau vive qui elle
seule peut désaltérer la soif d’infini présente dans le cœur de l’être humain
Moi, le Dieu d’Israël, je ne les
abandonnerai pas
// Is 49, 15-16 « Sion
avait dit : Le Seigneur m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée. Une femme
peut-elle oublier l’enfant qu’elle nourrit, cesse-t-elle d’avoir pitié pour le
fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi je ne
t’oublierai pas. Vois, je t’ai gravé sur la paume de mes main.s »
Afin que l’on voie et que l’on sache,
que l’on fasse attention et que
l’on comprenne que la main du
Seigneur a fait cela, que le Saint d’Israël l’a créé.
Ce verset traduit une immense insistance….
Que l’on sache quoi ? Que le Seigneur a créé cela
(sous-entendu : qu’il en est le maître et qu’il a le pouvoir de le
restaurer.)
·
Dieu
rappelle qu’Israël est son serviteur,
son ami, celui qu’il a choisi entre
toutes les nations, son protégé qu’il tient par la main droite, et qu’il ne
lâchera pas.
·
Dieu
dit à Israël qu’il n’a pas à craindre,
car il est avec lui, à ses côtés, qu’il le soutient, qu’il vient à son secours,
qu’il ne l’abandonnera pas. Il est son Rédempteur, son Go’el,
son proche parent qui a donc le devoir d’intervenir pour le délivrer.
·
Dieu
se présente comme le Saint d’Israël,
c’est-à-dire à la fois comme le Tout-Autre, celui qui est au-dessus de tout, et
en même temps comme le tout proche.
·
Dieu
annonce l’annonce l’anéantissement des
ennemis, la fin de l’oppression, de la servitude, la fin de l’Exil.
·
Le Seigneur annonce un Nouvel Exode, une nouvelle délivrance, dans laquelle la création
sera renouvelée, où le désert regorgera d’eau, où les pauvres n’auront plus
soif.
·
Le
texte établit un lien entre le thème du Dieu
sauveur, rédempteur, et celui du Dieu
créateur : celui qui a eu le pouvoir de créer l’univers a aussi le
pouvoir de sauver et de recréer. Il y a à la fois la promesse d’un salut,
d’un sauveur, et en même temps d’une recréation, d’un monde nouveau (du
moins dans l’ensemble du livre de la consolation)
·
Jésus est le Rédempteur, qui est déjà venu, et qui veut venir
encore chaque jour. Il est Dieu avec nous jusqu’à la fin des temps. Ce qu’il a
accompli durant sa vie, il veut venir l’accomplir dans ma vie. Il vient pour me
libérer, pour transformer mes déserts intérieurs en sources jaillissantes, pour
désaltérer toutes mes soif, pour recréer tout ce qui est aride, desséché, mort.
·
Il est des rêves plus vrais que la
réalité…
·
Méditer
sur la notion d’Élection, de choix
privilégié : je suis celui que le Seigneur a choisi, son ami, celui
qu’il est allé chercher très loin, celui qu’il n’abandonnera pas.
·
Accueillir
cette parole insistante de Dieu, cet appel à la confiance : Ne
crains pas ! Quelles
sont mes craintes ? Ai-je vraiment pleinement confiance en Dieu ?
·
Accueillir
ces paroles de réconfort de la part de Dieu : Je suis avec toi, Je te soutiens de ma droite
victorieuse ; c’est Moi qui te
viens en aide ; ton Rédempteur, c’est le Saint d’Israël ; je
t’exaucerai, je ne t’abandonnerai pas.
·
Anéantissement
des ennemis : quels sont ces
ennemis, ceux qui me font la guerre, m’oppriment, m’étouffent, m’empêchent de
vivre ?
·
Méditer
sur la notion d’option préférentielle de
Dieu pour les pauvres. Quelles sont mes misères et mes pauvretés ?
Est-ce que j’arrive à les considérer comme une chance ?
·
Quels
sont mes lieux desséchés, mes déserts,
mes soifs ?
·
Accueillir
la promesse du Seigneur : les
déserts ruisselants d’eau et transformés en terres fertiles. Est-ce que je
peux croire à une transformation créatrice de Dieu, que celui qui m’a créé peut
aussi me recréer ?
Maret Michel,
Communauté du Cénacle au Pré-de-Sauges