q La liturgie célèbre en ce jour trois
épiphanies : l’adoration des mages, le baptême du Christ, et les noces
de Cana. L’accent est mis sur la première. Ce sont les trois premières grandes
manifestations du Christ. Il y en aura
d’autres : en particulier la transfiguration sur le mont Thabor et
surtout la résurrection, qui est l’épiphanie des épiphanies. Le baptême, la
transfiguration et la résurrection auront leur fête propre. La liturgie durant
la semaine qui suit la fête de l’épiphanie présente toute une série
d’épiphanies : le début du ministère du Christ dans l’Évangile de
Matthieu, avec toute une série de guérisons, le début du ministère de Jésus à
Nazareth, dans l’Évangile de Luc ; la multiplication des pains ; le Christ
qui marche sur les eaux ; la guérison d’un lépreux suivi de toute une
série de guérisons, Jésus qui commence à baptiser en Judée.
q Les mages viennent adorer le Christ comme
le Roi des Juifs.
Etonnant pour un nouveau-né déposé dans une mangeoire ! Mais le Christ
n’est pas roi à la manière des hommes. Le psaume 71, qui est lu lors de
l’eucharistie tout au long la semaine qui suit l’épiphanie dresse un portrait
de ce roi : un roi qui apporte au peuple la justice et la paix, un roi qui
a souci du pauvre et du malheureux. Il exprime ce que l’on pourrait appeler une
option préférentielle pour les pauvres. Les mages représentent le monde païen,
l’humanité en quête de Dieu, en recherche. Des gens avec une foi qu’on aurait
dit un peu douteuse, car ils étaient l’équivalent des astrologues
d’aujourd’hui….
q Epiphanie vient du grec epiphainô, qui signifie littéralement porter au
dehors ; le terme a le sens de apparaître, manifester, faire voir.
Le Christ, image du Dieu invisible, nous révèle le visage de Dieu à travers un
visage humain. Epiphanie, on pourrait aussi dire théophanie, manifestation de
Dieu.
q Les épiphanies sont les manifestations de
la grandeur, de la gloire de Dieu, de son amour. Pourtant, celles-ci se déroulent dans une
certaine discrétion, sans tapage ni tumulte : la pauvreté d’une étable et
la nudité d’une crèche ; un baptême de conversion où Jésus se met au rang
des pécheurs ; le changement de l’eau en vin dont la plupart des convives
n’ont rien su.
q En ce sens, on peut dire que ces
épiphanies sont aussi manifestation de l’humilité, de la fragilité et de la
pauvreté de Dieu, comme le disait Zundel.
La puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse, il est grand en se faisant
tout petit, lui le Maître et Seigneur se fait le serviteur et l’esclave de
tous.
q Cette fête nous appelle à devenir
épiphanie de Dieu pour notre prochain : qu’en nous voyant, il voie une facette du visage de Dieu. Vous
êtes la lumière du monde disait Jésus. Nous avons à faire luire cette
lumière du Christ autour de nous.
q Cette fête nous appelle aussi à reconnaître
les épiphanies de Dieu dans nos vies, parfois discrètes, comme l’étoile qui
guidait les mages, mais ouvertes sur le mystère, sur l’infini de Dieu. A être
comme les mages des hommes, des femmes en quête de Dieu, comme les mages, et
déterminés à aller jusqu'au bout de notre recherche, sans nous laisser
détourner par les difficultés ou les autres fausses lumières.
La lumière qui, à Noël, a brillé dans la nuit, illuminant
la grotte de Bethléem, où Marie, Joseph et les bergers demeuraient, en
adoration silencieuse, resplendit aujourd'hui et se manifeste à tous.
L'Epiphanie est un mystère de lumière, représentée de manière symbolique par
l'étoile qui a guidé le voyage des Rois mages. Toutefois, la vraie source de
lumière, l'Astre d'en haut qui vient nous visiter" (cf. Lc 1, 78),
c'est le Christ. Dans le mystère de Noël, la lumière du Christ rayonne sur la
terre, en se diffusant comme par cercles concentriques. Tout d'abord sur la
sainte Famille de Nazareth: la Vierge Marie et
Joseph sont illuminés par la présence divine de l'Enfant Jésus. La lumière du
Rédempteur se manifeste ensuite aux bergers de Bethléem qui, avertis par
l'ange, accourent immédiatement à la grotte et y trouvent le "signe"
qui leur avait été annoncé: un enfant enveloppé
de langes et couché dans une mangeoire (cf. Lc 2, 12). Les bergers, avec
Marie et Joseph, représentent ce "reste d'Israël", les pauvres, les anawim, auxquels est annoncée la Bonne Nouvelle.
L'éclat du Christ parvient enfin jusqu'aux Rois mages, qui constituent les
prémices des peuples païens. Les palais du pouvoir de Jérusalem restent dans
l'ombre et la nouvelle de la naissance du Messie y est annoncée paradoxalement
par les Rois mages et suscite non pas la joie, mais la crainte et des réactions
hostiles. Mystérieux dessein de Dieu: "Quand
la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la
lumière, parce que leurs oeuvres étaient
mauvaises" (Jn 3, 19).
Mais qu'est-ce
que cette lumière? Est-ce seulement une métaphore suggestive ou cette image
correspond-elle à une réalité? L'Apôtre Jean écrit dans sa Première Epître: "Dieu est Lumière, en lui point de
ténèbres" (1 Jn 1, 5); puis il ajoute: "Dieu est
amour". Ces deux affirmations, mises ensemble, nous aident à mieux
comprendre: la lumière, apparue à Noël, et qui
se manifeste aujourd'hui aux nations, est l'amour de Dieu, révélé dans la
Personne du Verbe incarné. Les Rois mages arrivent d'Orient, attirés par cette
lumière. Dans le mystère de l'Epiphanie, par conséquent, en plus d'un mouvement
de rayonnement vers l'extérieur, se manifeste un mouvement d'attraction vers le
centre qui achève le mouvement déjà inscrit dans l'Ancienne Alliance. La source
d'un tel dynamisme est Dieu, Un dans la substance et Trine dans les Personnes,
qui attire tout et tous à lui. La Personne incarnée dans le Verbe se présente
ainsi comme le principe de réconciliation et de récapitulation universelle (cf.
Ep 1, 9-10). Il est le but ultime de l'histoire, le terme d'un
"exode", d'un chemin providentiel de rédemption, qui culmine dans sa
mort et sa résurrection. Pour cette raison, lors de la solennité de
l'Epiphanie, la liturgie anticipe celle que l'on appelle l'Annonce de
Pâques": l'année liturgique, en effet,
reprend toute la parabole de l'histoire du salut, au centre de laquelle se
trouve le "Triduum du Seigneur crucifié, enseveli et ressuscité".
Dans la liturgie du Temps de Noël on retrouve souvent, comme refrain, ce
verset du Psaume 97: "Le Seigneur a fait
connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations" (v. 2). Ce sont
des paroles que l'Eglise utilise pour souligner la dimension
"épiphanique" de l'Incarnation: le
Fils de Dieu qui se fait homme, son entrée dans l'histoire est le pinacle de l'auto-révélation de Dieu à Israël et à toutes les nations. A
travers l'Enfant de Bethléem, Dieu s'est révélé dans l'humilité de la
"forme humaine", dans la "condition d'esclave", ou plutôt
de crucifié (cf. Ph 2, 6-8). C'est le paradoxe chrétien.
C'est précisément le fait de se cacher qui constitue la plus éloquente
"manifestation" de Dieu: l'humilité,
la pauvreté, l'ignominie même de la Passion nous font découvrir comment Dieu
est réellement. Le visage du Fils révèle fidèlement celui du Père. C'est pour
cette raison que le mystère de Noël est, pour ainsi dire, toute une
"épiphanie". La manifestation aux Rois mages n'ajoute pas une chose
étrangère au dessein de Dieu, mais en révèle une dimension éternelle et
constitutive: "Les païens sont admis au
même héritage, membres du même Corps, bénéficiaires de la même Promesse, dans
le Christ Jésus, par le moyen de l'Evangile" (Ep 3, 6).
Dans le contexte
liturgique de l'Epiphanie se manifeste également le mystère de l'Eglise et sa
dimension missionnaire. Celle-ci est appelée à faire resplendir dans le monde
la lumière du Christ, en la reflétant en elle-même comme la lune reflète la
lumière du soleil. Les anciennes prophéties concernant la ville sainte de
Jérusalem, comme la magnifique prophétie d'Isaïe, que nous venons d'entendre,
se sont réalisées dans l'Eglise: "Debout,
Jérusalem! Resplendis: elle est venue, ta
lumière, (...) Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la
clarté de ton aurore et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi" (Is
60, 1-3). C'est ce que devront réaliser les disciples du Christ: formés par Lui pour vivre dans le style des
Béatitudes, ils devront attirer tous les hommes à Dieu, à travers le témoignage
de l'amour: "De même, que votre lumière brille devant les
hommes: alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à
votre Père qui est aux cieux" (Mt 5, 16). En écoutant ces paroles de
Jésus, nous, membres de l'Eglise, ne pouvons pas ne pas percevoir toute
l'insuffisance de notre condition humaine, marquée par le péché. L'Eglise est
sainte mais elle est composée d'hommes et de femmes avec leurs limites et leurs
erreurs. Seul le Christ, en nous donnant l'Esprit Saint, peut transformer notre
misère et nous renouveler continuellement. C'est Lui la lumière des nations, lumen
gentium, qui a choisi d'éclairer le monde à
travers son Eglise (cf. Concile Vatican II, Lumen
gentium, n. 1).
"Comment cela
adviendra-t-il?", pouvons-nous nous demander en reprenant les paroles que
la Vierge adressa à l'Archange Gabriel. C'est précisément la Mère du Christ et
de l'Eglise qui nous fournit la réponse: par son
exemple de disponibilité totale à la volonté de Dieu "fiat mihi secundum verbum
tuum" (Lc 1, 38), elle nous enseigne
à être "épiphanie" du Seigneur, dans l'ouverture du cœur à la force
de la grâce et dans l'adhésion fidèle à la parole de son Fils, lumière du monde
et but ultime de l'histoire. Ainsi
soit-il!
Le mot épiphanie signifie manifestation.
Saint Paul, dans la Lettre aux Éphésiens, nous donne le sens de cette
manifestation: Jésus-Christ garde un secret: Il est le secret de Dieu, où
habite Son dessein amoureux sur tous les hommes. La manifestation de ce secret
est une révélation, c'est un don gratuit de Dieu offert par l'Esprit Saint à
tous ceux qui croient au Christ et Le suivent comme des disciples. Dans cette
manifestation nous connaîtrons, toujours mieux, Jésus-Christ en tant que secret
de Dieu, nous entrerons dans cet insondable dessein d'amour de Dieu envers
nous, nous découvrirons le sens nouveau de notre vie, de notre liberté et de
notre responsabilité. En Jésus-Christ habite, pour nous, le sens le plus
profond de notre vie et du destin de l'humanité. Ce secret est révélé à tous
ceux qui croient en Lui, le secret de la vie, et ceux-là peuvent le manifester
aux autres, par le témoin de la joie et de l'espérance.
Saint Paul nous révèle, du moins, un
aspect de ce qu'il a compris de cette manifestation du secret de Dieu sur
l'humanité, manifesté en Jésus-Christ: l'universalité du salut. Dieu aime tous
les hommes; Jésus-Christ, Son Fils né Homme, est une manifestation de son amour
envers tous les hommes. Les promesses les envisageaient tous, tous sont appelés
à participer du même héritage, autrement dit, la plénitude de la vie, et ils en
prendront conscience par l'annonce de l'Évangile qui surgit avec la surprise
d'une bonne nouvelle.
Cette universalité de Jésus-Christ est annoncée par le
prophète Isaïe quand il imagine tous les peuples en convergeant vers la
nouvelle Jérusalem, la ville parfaite, illuminée et transformée par la lumière
du Messie: «Regarde autour de toi et vois: tous se rassemblent et viennent à Ta
rencontre; tes enfants vont arriver de loin et tes filles sont portées dans les
bras.» La ville de Jérusalem est le symbole de la nouvelle humanité
recréée par l'incarnation du Verbe de Dieu. Et nous ouvre sur une dimension
pérenne et toujours actuelle de la manifestation de Jésus-Christ: Il transforme
la cité des hommes. «Les nations chemineront à Ta lumière, et les rois à la
splendeur de Ton aurore.» Cette transformation est lente, c'est une
transformation dont il est déjà possible de capter des «signes» dans la
complexe réalité de l'histoire contemporaine. Sa force créatrice est l'Esprit
de Jésus; ces ouvriers sont les chrétiens, dont le cœur a été transformé par la
grâce de Jésus-Christ. Est annoncée l'importance des «saints» dans la ville.
Ils impriment dans la construction de l'histoire la force transformante
de l'amour, l'énergie mobilisatrice d'un idéal, la générosité dans la lutte
pour la justice et dans la construction de la paix. (…).
2. Mais la fête de l'Épiphanie nous conduit au récit
évangélique de la visite de «mages venus d'Orient» à la recherche de Jésus. Il
s'agit de figures assez énigmatiques, nous invitant à centrer nos cœurs dans
leur signification symbolique, valable pour tous les temps.
* Ils suivent une étoile: «Nous avons vu se lever son
étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui.» Ce n'est pas normal de
suivre une étoile et de se mettre en route à la recherche de la manifestation
de Dieu. Ils se sont révélés capables de lire les signes. Ils représentent bien
tous ceux qui, au plus profond d'eux-mêmes, sentent l'attraction de l'absolu:
le désir de la profondeur, l'attraction du beau, la recherche de l'amour, le
désir de la justice et de la fraternité. Il s'agit de sentiments qui peuvent
être des signes de la soif et de la recherche de Dieu. Qu'ils puissent tous
discerner ces signes et se mettre en route, à la recherche de l'absolu de Dieu.
Comme les Mages, ils pourront Le reconnaître en Jésus-Christ, et, comme eux,
tomber à genoux et se prosterner devant Lui.
* Ils offrent des présents. Tout ce qu'on peut offrir à
Jésus, représente notre vie, notre personne. Le Seigneur n'attend pas de nous
des cadeaux matériels; Il nous veut nous-mêmes; notre vie, nos projets, notre
liberté, sont les dons qui Lui plaisent et qu'Il attend. L'or, symbolise nos
richesses, tout ce que nous possédons de précieux, voire, notre désir de
possession. Il proclamera dans l'Évangile des Béatitudes: Heureux ceux qui ont
un cœur de pauvre. Tout cela se transformera dans le parfum de l'encens, qui
glorifie le Seigneur et remplit nos cœurs du parfum suave de la joie et de
la paix.
Mais devant le Seigneur nous ne pouvons pas oublier notre
fragilité et nos misères. Nos péchés, nos doutes, nos infidélités, nos
impuissances, notre mort, sont offerts au Seigneur, symbolisés dans la myrrhe
portée par les Mages. Cette reconnaissance de nos faiblesses devant le
Seigneur, ouvrira nos cœurs au don de la joie et de la paix.
* Ils regagnèrent leurs pays par un
autre chemin. Parcourir de nouveaux chemins pour atteindre le bonheur est le
grand défi et la nouvelle chance présentés par Jésus-Christ. Ces nouveaux
chemins sont ceux par où nous conduit l'Esprit Saint; les identifier c'est,
répondre à notre vocation; les parcourir c'est trouver le chemin de la fidélité.
Ce pèlerinage de la confiance est, sans aucun doute, pour nous tous, un nouveau
chemin pour arriver chez-soi, c'est-à-dire, à la Vie.